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DANS L'ANTRE DU MOSAISTE

La curiosité luttant avec un léger trac, Chantal, Natacha et moi avons frappé dimanche soir à la porte de "JG".

Alors, fait peu surprenant puisque nous étions attendues, la porte s'est ouverte et, comme notre regard errait quelque part entre le bout de nos chaussures et le bord du paillasson, une première chose s'est éclaircie : il ne s'agit pas d'un lutin, en dépit des hypothèses que la hauteur de pose des moz' - basse ou raisonnable selon le point de vue - avait suggérées.

A partir de là, pendant plus de cinq heures assez difficiles à résumer tant ce fut foisonnant, Jérôme nous a conté les différents cycles et parcours à l'intérieur de son parcours : diapositives d'anciens parcours familiers ou pas, de mosaïques évanouies que nous aurions pu croiser et ne connaîtrons jamais ; oeuvres tous asimuths, ébauches de mosaïques en convalescence ou en gestation pour de futurs parcours ; recherches des limites/points de départ de la mosaïque jusqu'à épuisement du principe, autour de la quête du nombre et de sa perception mouvante, de l'ardoise gravée et incrustée de quelques tesselles blanches, au motif leur faisant écho sur papier en de lyriques gravures... ; photographies touchant aussi aux confins de la constitution de l'image, en jouant avec l'intensité graduelle du tirage d'un cliché... tout a surgi des boîtes et placards dans un joyeux bazar. Visiblement, la mosaïque, c'est un gros boulot, très physique (ça inclue la taille de pièces de pierre et d'infinis ponçages), et c'est aussi très ludique.

En filigranne de tout cela, diverses contradictions sous-tendent une quête assez lucide, entre le désir de s'exprimer à travers des expositions, dans des lieux institutionnels et collectifs - plutôt écoles, mairies, musées... que galeries - mais en déviant toujours afin d'entrainer le public vers l'extérieur, vers des lieux moins évidents, et de susciter une relation et un regard affranchi, ouvert à tous. Beaucoup à dire sur le questionnement de la liberté, des droits etc., lorsque l'on investit un coin de territoire, un lieu, voire un monument, public. La mosaïque offerte en pâture est alors à tout le monde et à personne, échappant totalement au mosaïste ; en même temps, elle s'impose une fois fixée sur le mur, sous le coup d'une impulsion parfois suivie de remords; elle sera aimée, lattée, volée, interprétée, repeinte... avec des fortunes très diverses et parfois très brèves. Cela implique aussi une recherche sur la mémoire, avec doutes et failles. Dans la conversation ont surgi Benjamin, Barthes... Je serais tentée d'ajouter Deleuze : il y a quelque chose de très rhizomatique dans ces parcours.

Bref, nous somme entrées avec un ou deux labyrinthes en tête, et sommes ressorties avec un fil entremêlé d'autres labyrinthes encore. L'obsession des carrés nous avait déjà pas mal atteintes, cela ne s'est pas arrangé, avec le sentiment que tout est potentiellement mosaïque ou début de mosaïque.

[Ane-Sot l'ange, 15-20 septembre 2003]

A j o u t   d e   C h a n t a l :
Heureusement la table était grande, mais ça débordait quand même !!
Je rajoute juste -ça m'a particulièrement parlé - la notion de trace et de mémoire (disparition/apparition) mélêe à celle d'architecture et de la place de l'homme, de l'artiste, des yeux vagabonds, des failles et des discrétions... Le reste de son travail m'a autant passionné que ses parcours "petits poucets" ...
Il a de beaux projets "de ballades mosaïques" autour des trajets ... à suivre...!

P o u r   i n f o ...
. les parcours sont assez récents (fin des années 90 si je ne me trompe)
. les "hybrides buissonnières" sont vraiment des hybrides, puisque ce sont des enfants des écoles primaires qui les ont faites : on retrouve un peu la patte de Jérôme, avec quelque chose de très changeant et coloré au milieu. Le parcours va d'une école du 4e, rue St Merry, à la mairie du 6e (via celle de St Benoît) : heureusement que nous ne nous sommes pas lancé/e/s dans une exploration systématique des écoles jusque dans le 19e...
. en général les parcours sont assez courts, sauf celui des ponts, pourtant laissé en suspens, qui allait d'Austerlitz ou Sully (?) au pont Mirabeau.
. il doit rester quelques mosaïques à Briare dans le Loiret (près du Musée de la mosaïque). Celles qui étaient amarées sur la Loire ne passeront pas devant chez vous, Isabelle et Pierre-François... nous les avons vues en cale sèche, au 8e étage d'un immeuble du 15e.
. du parcours "mairies" mi-clando-mi autorisé selon les mairies, si j'ai bien compris, il reste celles du 18e, 10e et 5e. Celle du 5e, nous avons dû passer devant des centaines de fois sans la remarquer !!! Voir au coin en montant de la brasserie rue Soufflot.
. Mélanie, que dis-tu de ceci : il existait dans le socle de certaine statue involontairement surréaliste, sur un pont où nous avons pic-niqué, une mosaïque en forme de... FUSEE de Tintin - avé un bouton de culotte en guise de hubleau. Il n'en reste que la photo, mais à l'instar de celle du bout de la passerelle des arts, il se pourrait qu'elle repousse.
. un parcours se profilerait le long du canal St-Martin.
. techniquement, les moz' ne sont pas composées à partir d'un "carton" préétabli, mais improvisées à partir d'une idée de départ - même les très grandes. Elles sont faites en atelier, puis transportées, préparées sur place avec le mortier etc., et posées aussi soigneusement que la discrétion le permet.

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